SE RELIER, SE METTRE EN MOUVEMENT, SE MOBILISER EN CONSCIENCE, AVEC COEUR ET AMOUR

L’Infobésité : cette hypnose collective qui freine l’action réelle

Dans le bourdonnement incessant des données se dissout notre capacité d’agir – ni ignorance ni connaissance véritable, mais état suspendu où l’accumulation d’informations devient elle-même une forme sophistiquée d’immobilisme, et où les mots se substituent à la transformation qu’ils prétendent servir.

Dans un monde qui croule sous les conférences, webinaires, rapports et livres blancs sur les transitions nécessaires, une question se pose avec une urgence croissante : et si toute cette production d’information participait paradoxalement à notre immobilisme collectif ?

La grande illusion du “parler pour agir”

Observons ce phénomène devenu si familier : chaque semaine, des institutions prestigieuses organisent des conférences sur les grands enjeux contemporains. Des experts renommés y présentent des analyses détaillées. Des rapports sont publiés. Des réseaux sociaux s’en font l’écho. Des participants repartent avec le sentiment d’avoir “participé à la conversation”. Des organisateurs célèbrent le “succès de l’événement”.

Et pendant ce temps, les décisions structurelles restent largement inchangées. Les systèmes poursuivent leurs trajectoires fondamentales. L’écart entre la quantité d’informations produites et la profondeur des transformations réelles s’élargit inexorablement.

Chaque semaine apporte son lot de sommets, forums et conférences sur les “grands enjeux de notre temps”. Une inflation de mots, d’analyses, de présentations PowerPoint et de discussions de panel qui créent collectivement l’illusion rassurante que “nous nous occupons du problème”.

Les symptômes de notre hypnose informationnelle

Cette infobésité n’est pas anodine. Elle produit des effets psychologiques et sociaux profonds :

  1. L’épuisement attentionnel : Nos capacités cognitives, saturées par ce flot constant d’informations, n’ont plus l’énergie nécessaire pour engager une réflexion profonde ou des actions significatives.
  2. L’illusion de l’action : Participer à ces espaces d’échange crée un sentiment trompeur d’engagement qui se substitue à l’action réelle – ce que les psychologues appellent la “satisfaction symbolique”.
  3. La dilution des responsabilités : Dans cette brume informationnelle, les lignes de responsabilité deviennent floues. Qui doit agir quand tout le monde “sensibilise” tout le monde ?
  4. La normalisation de l’inaction structurelle : À force de voir les mêmes enjeux discutés année après année sans changements fondamentaux, nous finissons par accepter implicitement que “c’est comme ça”.
  5. Le détournement de l’énergie transformative : Les personnes les plus conscientes et motivées voient leur énergie canalisée vers la production et la consommation d’information plutôt que vers la transformation concrète des systèmes.

L’économie de l’attention comme mécanisme de maintien du statu quo

Ce phénomène n’est pas accidentel. Il s’inscrit dans une économie de l’attention qui monétise la captation de notre conscience et qui a intérêt à maintenir un niveau d’agitation informationnelle permanent.

Les organisations elles-mêmes sont prises dans cette logique : produire des rapports, organiser des événements et alimenter les conversations devient une fin en soi, un indicateur de performance qui se substitue aux transformations réelles qu’elles prétendent poursuivre.

Cette dynamique crée une forme subtile d’hypnose collective : nous sommes si occupés à parler des problèmes, à les analyser et à les documenter que nous n’avons plus l’espace mental pour engager les changements profonds qu’ils exigeraient.

Les signaux faibles d’un changement de paradigme

Face à cette situation, des approches alternatives émergent qui cherchent à rompre avec ce cycle d’information-sans-transformation :

  • Des communautés de pratique qui privilégient l’expérimentation concrète sur les territoires plutôt que la multiplication des espaces de discussion
  • Des approches attentionnelles comme l’état #EspritOFF qui cultivent une qualité de présence différente, moins réactive et plus réceptive
  • Des architectures relationnelles qui créent les conditions d’une intelligence collective réellement augmentée plutôt que d’une simple accumulation de perspectives
  • Des pratiques documentaires qui cherchent à capturer l’essence vibratoire des expériences plutôt qu’à produire toujours plus de contenu

Ces approches ont en commun de reconnaître que le problème n’est pas un manque d’information mais une incapacité à métaboliser celle que nous avons déjà – à la transformer en connaissance vivante capable d’orienter nos actions.

Au-delà de l’hypnose informationnelle : vers une économie de la transformation

Comment sortir de cette hypnose collective ? Quelques pistes :

  1. Pratiquer le jeûne informationnel : Oser des périodes de déconnexion totale pour retrouver une qualité attentionnelle différente.
  2. Privilégier la profondeur sur l’étendue : Plutôt que de multiplier les sujets et les sources, explorer pleinement une seule question, un seul livre, une seule pratique.
  3. Évaluer différemment : Remplacer les métriques de “portée” (combien de personnes touchées) par des indicateurs de transformation (quels changements concrets générés).
  4. Créer des espaces de pratique plutôt que de discussion : Privilégier les contextes où l’on expérimente ensemble plutôt que ceux où l’on parle ensemble.
  5. Cultiver la résonance cognitive incarnée : Développer notre capacité à percevoir corporellement la cohérence ou la dissonance informationnelle.

Ces pratiques ne sont pas simplement des tactiques individuelles mais les bases d’une économie alternative de l’attention – une économie où la valeur réside non dans la captation mais dans la libération de notre potentiel collectif de transformation.

Une pause pour retrouver l’essentiel

Il ne s’agit pas de rejeter toute information ou d’abandonner les espaces d’échange, mais de les aborder différemment – avec une conscience aiguë de leurs limites et de leurs pièges potentiels.

Peut-être que la première étape consiste simplement à faire une pause. À respirer profondément au milieu de ce déluge informationnel. À se demander : “Parmi toutes ces informations que je consomme et produis, lesquelles servent réellement la transformation que je souhaite voir dans le monde ?”

Dans cette pause attentionnelle réside peut-être la clé pour sortir de l’hypnose collective et retrouver notre capacité d’action transformative.


Cet article est lui-même un paradoxe – une contribution à l’océan informationnel qu’il critique. Il ne prétend pas avoir échappé à cette contradiction, mais invite simplement à une prise de conscience qui pourrait être le premier pas vers une relation plus consciente et féconde avec l’information qui nous entoure.